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Les banques françaises engagées pour le climat – Interview d’Etienne Barel, DG délégué de la FBF

Etienne Barel, directeur général délégué de la FBF

Alors que s’ouvre la COP 26, qui se tient entre le 1er et le 12 novembre 2021 à Glasgow, Etienne Barel, directeur général délégué de la FBF revient sur les enjeux de la transition énergétique et l’engagement des banques françaises pour le climat.

  • Les banques françaises sontelles pleinement engagées dans la lutte contre le changement climatique ?

Il n’y a aucune ambiguïté sur le sujet. L’engagement des banques françaises pour le climat est une réalité et la transition une priorité stratégique, afin d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris.
Ainsi, cela va sans dire, les banques françaises partagent pleinement les analyses scientifiques et les rapports des autorités internationales sur le climat.
Face à cela, il faut agir dans tous les métiers, toutes les activités. Pour nous, la transition ne sera réussie, durable et globale, que si elle est inclusive et socialement responsable. Si demain, nous arrêtions totalement de financer tout ce qui n’est pas déjà écologiquement neutre, cela aurait des conséquences importantes dans la vie quotidienne de tous les citoyens et pour bon nombre d’entreprises ou professionnels. Nous ne pouvons pas arrêter subitement de financer notre économie qui est, aujourd’hui, carbonée, mais qui bouge très souvent dans le bon sens. En revanche, ce que nous pouvons faire, et ce que nous nous évertuons à faire, c’est de nous attaquer à tout ce qui est le plus polluant, et d’avoir des trajectoires pour accompagner les évolutions vers une économie bas carbone.

  • Le premier engagement des banques françaises a concerné larrêt du financement des entreprises liées au charbon. Pouvezvous nous dire où nous en sommes aujourdhui ?

Comme je vous le disais, il faut commencer par ce qui pollue le plus. C’est pourquoi les banques françaises ont commencé par le charbon. Je tiens à rappeler que les banques françaises ont été les premières à prendre position sur ce sujet, dès 2011. En 2019 elles ne financent plus de nouveaux projets de centrale à charbon et de mines de charbon thermique. Depuis, elles ont instauré des politiques de désengagement du charbon qui sont les plus avancées au monde. Outre le fait qu’elles ont mis en place des politiques exigeantes relatives à l’évolution du « mix énergétique » de leurs clients, elles accompagnent ceux producteurs d’électricité dans leur transition énergétique et sont parmi les seules à leur demander effectivement des plans de sortie du charbon avec des dates butoir. Et les résultats sont là : les derniers chiffres montrent que le financement des entreprises impliquées dans le charbon ne représente plus que 2,1 Md€, soit 0,16% du portefeuille corporate des grandes banques françaises à fin 2020. A ce jour, il me semble que les banques françaises restent toujours les seules à avoir pris un tel engagement collectivement : elles sont les pionnières, mais nous serions heureux qu’elles soient rejointes par d’autres places financières.

  • Après le charbon, les six grandes banques françaises ont annoncé récemment avoir pris de nouveaux engagements sur le financement du non conventionnel. Pourriezvous nous en dire plus ?

Les six grandes banques françaises ont en effet annoncé il y a quelques jours qu’elles ne financeraient plus, dès janvier 2022, les projets dédiés et les entreprises dont la part d’hydrocarbures non conventionnels dans l’exploration et la production (pétrole de schiste, gaz de schiste et sables bitumineux) serait supérieure à 30% de leur activité. C’est une nouvelle avancée, une première mondiale encore, qui traduit la volonté des banques françaises d’être leaders d’une transition globale, durable et responsable. Nous espérons que cela aura un effet d’entraînement plus rapide que notre engagement sur le charbon. Encore une fois, nous sommes déterminés face à cet enjeu majeur qu’est le changement climatique et nous continuerons à l’être. En revanche, si nous sommes seuls au monde à le faire, cela ne suffira pas. C’est tout le sens de ce que nous disons à nos différents interlocuteurs lors de nos échanges.

  • Pour accélérer la transition, il faut en effet non seulement diminuer le financement des énergies les plus polluantes, mais aussi accélérer celui du renouvelable. Où en sommesnous sur ce pointlà ?

Une transition réussie est une transition qui, comme son nom l’indique, est graduelle. Et en effet, pour cela, il faut accompagner nos clients, les aider à renoncer aux énergies les plus polluantes comme le charbon, le non conventionnel. Il faut bien comprendre aussi que se désengager d’énergies, tout en assurant aux entreprises et aux citoyens une vie supportable durant la phase de transition, peut avoir pour conséquence un accroissement temporaire de certaines énergies un peu moins émettrices sans être totalement neutres.

Pour en revenir aux énergies renouvelables, leur financement atteint en 2020 plus de 44,3Md€, en augmentation de 68% en 4 ans. Tous les projets viables motivés par la protection de l’environnement trouvent des financements. Quatre banques françaises sont d’ailleurs dans le Top 10 du marché mondial des financements aux énergies renouvelables au 1er semestre 2021.

  • Quavezvous à répondre à tous ceux qui disent quil sagit de mesurettes, qui critiquent le fait que les banques françaises nen font pas assez, ne vont pas assez vite ?

Evidemment il y a urgence, et nous devons tous aller plus vite, accélérer chaque instant pour que l’économie soit moins carbonée. Nous avons la même ambition et les mêmes objectifs que tous ceux qui veulent atteindre le respect de l’Accord de Paris.

Pour réussir de manière durable ce changement notre rôle est d’être pionniers, ce que nous sommes, mais aussi d’entrainer avec nous toute la société, tous nos clients. Ceci prend nécessairement du temps, car nous ne pouvons pas changer en un instant une économie qui est carbonée depuis la Révolution industrielle. Notre objectif commun c’est de jouer ce rôle en étant unis avec toutes les parties prenantes, pour accélérer ensemble la transition.

  • Quels sont ces autres acteurs avec qui vous travaillez sur ce sujet de la transition énergétique ?

Je le répète, pour que la transition soit durable, elle doit être globale. Nous travaillons donc avec toutes les parties prenantes de la transition. Avec nos clients, particuliers, mais aussi entreprises. De la TPE / PME à la très grande entreprise. On conseille, selon les situations individuelles, les perspectives à court, moyen, long terme. Notre rôle n’est pas seulement de financer, mais d’accompagner par du conseil individualisé cette transition ce sont de nouveaux business models, de nouveaux processus de production, mais aussi de nouvelles opportunités. Nous travaillons aussi avec les ONG, qui nous apportent beaucoup, par leur niveau d’ambition bien entendu, mais aussi parce qu’elles contribuent à faire bouger toute la société dans le sens d’une économie moins carbonée Nous travaillons avec les régulateurs et les superviseurs dont le rôle est clé, nous sommes présents dans les différentes initiatives collectives et groupes de travail dédiés à l’amélioration de la gestion du risque climatique. Nous participons à des exercices pilotes climatiques et répondons à des consultations. Nous travaillons avec tous les acteurs qui peuvent, avec nous, participer à accélérer pour le climat.

  • Et que répondezvous aux accusations de greenwashing ?

Nous n’en sommes plus là. Nous l’avons prouvé, l’engagement des banques pour le climat est sincère et transparent et nous estimons que c’est une bonne chose que les pouvoirs publics, notamment européens, contribuent à la normalisation en la matière. La taxonomie verte, même complexe et imparfaite, est un premier pas utile en ce sens. Mais il reste du chemin à parcourir. Par exemple il n’existe pas aujourd’hui de méthodologie unifiée pour mesurer l’impact des financements sur le climat. Nous en sommes encore à une phase de « recherche et développement », avec de nombreuses pistes explorées par chacune des banques françaises. Cela signifie des investissements importants, de chaque banque, selon ses activités, pour mesurer son impact et son alignement. Si la mesure de cet impact et de cet alignement n’est donc pas uniformisée, chacune mène néanmoins d’importants travaux pour les faire évoluer. C’est un chantier considérable, et il faut savoir que derrière ces méthodologies, ce sont de véritables chantiers de transformation de leur modèle que les banques engagent …

  • Mais est-ce que les banques peuvent faire plus ?

Oui. Evidemment ! Et nous en sommes tous les jours encore plus convaincus. Nous pouvons et nous allons continuer à faire plus. Mais à faire plus en accompagnant tous nos clients, en accompagnant chacun dans sa transition. En oeuvrant pour une transition inclusive, socialement responsable, qui sera alors globale et durable, et donc réussie.

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